vendredi 22 mai 2009
La démocratie au sein de l'UE et le rôle du Parlement européen
La démocratie au sein de l'UE et le rôle du Parlement européen
Étude | 12/03/2009
Document à télécharger ►http://www.notre-europe.eu/uploads/tx_publication/Etud70-Democratie-fr.pdf
Dans la perspective des élections du Parlement européen de 2009, cinq instituts, l’Istituto Affari Internazionali (coordinateur, Rome), le Centro Studi sul Federalismo (Turin), l’Institut für Europäische Politik (Berlin), Notre Europe (Paris) et The Federal Trust (Londres), en collaboration avec Tepsa et EU-CONSENT, deux réseaux de centres de recherhttp://www.notre-europe.eu/uploads/tx_publication/Etud70-Democratie-fr.pdfches européens, ont uni leurs forces pour mener une étude consacrée à un thème essentiel : comment renforcer la légitimité du processus d’intégration européenne ? En d’autres termes, comment combler le vide politique/institutionnel laissé par le processus de ratification du Traité de Lisbonne et comment rétablir un lien politique fort entre les électeurs et les institutions européennes ?
L’approche imminente des élections place manifestement le Parlement européen et ses partis politiques transnationaux sous les feux des projecteurs. Les quatre chapitres qui composent le présent ouvrage s’efforcent de répondre à différentes questions :
Comment exploiter au mieux les compétences du Parlement européen afin de consolider son rôle de garant des valeurs démocratiques dans le processus décisionnel européen (Franco Mosconi, Antonio Padoa Schioppa) ?
Quel rôle les partis politiques européens doivent-ils endosser afin de soutenir les processus démocratiques (Brendan Donnelly, Mathias Jopp) ?
Quelles devraient être les priorités programmatiques de la prochaine législature dans l’optique de mobiliser les électeurs autour des politiques européennes (Francisco Roa Bastos) ?
Enfin, comment présenter les noms des candidats à la présidence de la Commission lors de la campagne électorale, en anticipant en partie ce que prévoit le Traité de Lisbonne (Gianni Bonvicini, Gianluigi Tosato, Raffaello Matarazzo) ?
Le principal objectif de la présente initiative ne se résume pas uniquement à lancer une (énième) proposition qui vise les partis politiques européens, et plaide pour que ceux-ci désignent des candidats à la présidence de la Commission – à ce stade, une telle démarche arriverait probablement trop tard. Il s’agit également de plaider en faveur d’un rôle plus significatif et plus central au Parlement européen, tant en termes d’exercice du pouvoir que de dialogue interinstitutionnel. Partant de la nécessité première pour le PE de donner un nouvel élan aux relations politiques qu’il entretient avec la Commission européenne (notamment en désignant un candidat à la présidence de la Commission), nous nous sommes efforcés d’analyser les liens existants avec le fonctionnement du Conseil. Sur un plan plus politique, nous souhaitions également nous pencher sur les connexions entre le Parlement européen d’une part, et les partis politiques européens et les groupes politiques internes au PE, leurs programmes et leurs priorités politiques d’autre part. Enfin, nous avons jugé nécessaire d’inclure dans le tableau les relations politiques/institutionnelles présentes et futures avec les parlements nationaux. Les auteurs, les directeurs des instituts concernés et d’autres experts se sont réunis à l’occasion d’un atelier organisé à Turin le 23 janvier dans les locaux du Collegio Carlo Alberto.
Les quatre études de fond ont fourni les évaluations et les contributions nécessaires à la rédaction d’un « appel » destiné aux forces politiques, nationales et européennes. L’objectif est de présenter le rôle du Parlement et des autres institutions européennes sous un jour meilleur et de le rendre plus compréhensible aux yeux d’une opinion publique toujours plus sceptique.
C’est à Tommaso Padoa Schioppa, Président de Notre Europe, qu’est revenue la délicate tâche de rédiger l’appel en question. Présenté en guise de préambule au présent ouvrage, l’appel a été cosigné par les cinq instituts, ainsi que par les auteurs de cette publication et d’autres importantes personnalités européennes. L’initiative s’inscrit dans le cadre du partenariat stratégique pluriannuel conclu entre l’IAI et la Compagnia di San Paolo (Turin), et a bénéficié d’un large soutien de l’Institut des démocrates européens (Bruxelles).
Étude | 12/03/2009
Document à télécharger ►http://www.notre-europe.eu/uploads/tx_publication/Etud70-Democratie-fr.pdf
Dans la perspective des élections du Parlement européen de 2009, cinq instituts, l’Istituto Affari Internazionali (coordinateur, Rome), le Centro Studi sul Federalismo (Turin), l’Institut für Europäische Politik (Berlin), Notre Europe (Paris) et The Federal Trust (Londres), en collaboration avec Tepsa et EU-CONSENT, deux réseaux de centres de recherhttp://www.notre-europe.eu/uploads/tx_publication/Etud70-Democratie-fr.pdfches européens, ont uni leurs forces pour mener une étude consacrée à un thème essentiel : comment renforcer la légitimité du processus d’intégration européenne ? En d’autres termes, comment combler le vide politique/institutionnel laissé par le processus de ratification du Traité de Lisbonne et comment rétablir un lien politique fort entre les électeurs et les institutions européennes ?
L’approche imminente des élections place manifestement le Parlement européen et ses partis politiques transnationaux sous les feux des projecteurs. Les quatre chapitres qui composent le présent ouvrage s’efforcent de répondre à différentes questions :
Comment exploiter au mieux les compétences du Parlement européen afin de consolider son rôle de garant des valeurs démocratiques dans le processus décisionnel européen (Franco Mosconi, Antonio Padoa Schioppa) ?
Quel rôle les partis politiques européens doivent-ils endosser afin de soutenir les processus démocratiques (Brendan Donnelly, Mathias Jopp) ?
Quelles devraient être les priorités programmatiques de la prochaine législature dans l’optique de mobiliser les électeurs autour des politiques européennes (Francisco Roa Bastos) ?
Enfin, comment présenter les noms des candidats à la présidence de la Commission lors de la campagne électorale, en anticipant en partie ce que prévoit le Traité de Lisbonne (Gianni Bonvicini, Gianluigi Tosato, Raffaello Matarazzo) ?
Le principal objectif de la présente initiative ne se résume pas uniquement à lancer une (énième) proposition qui vise les partis politiques européens, et plaide pour que ceux-ci désignent des candidats à la présidence de la Commission – à ce stade, une telle démarche arriverait probablement trop tard. Il s’agit également de plaider en faveur d’un rôle plus significatif et plus central au Parlement européen, tant en termes d’exercice du pouvoir que de dialogue interinstitutionnel. Partant de la nécessité première pour le PE de donner un nouvel élan aux relations politiques qu’il entretient avec la Commission européenne (notamment en désignant un candidat à la présidence de la Commission), nous nous sommes efforcés d’analyser les liens existants avec le fonctionnement du Conseil. Sur un plan plus politique, nous souhaitions également nous pencher sur les connexions entre le Parlement européen d’une part, et les partis politiques européens et les groupes politiques internes au PE, leurs programmes et leurs priorités politiques d’autre part. Enfin, nous avons jugé nécessaire d’inclure dans le tableau les relations politiques/institutionnelles présentes et futures avec les parlements nationaux. Les auteurs, les directeurs des instituts concernés et d’autres experts se sont réunis à l’occasion d’un atelier organisé à Turin le 23 janvier dans les locaux du Collegio Carlo Alberto.
Les quatre études de fond ont fourni les évaluations et les contributions nécessaires à la rédaction d’un « appel » destiné aux forces politiques, nationales et européennes. L’objectif est de présenter le rôle du Parlement et des autres institutions européennes sous un jour meilleur et de le rendre plus compréhensible aux yeux d’une opinion publique toujours plus sceptique.
C’est à Tommaso Padoa Schioppa, Président de Notre Europe, qu’est revenue la délicate tâche de rédiger l’appel en question. Présenté en guise de préambule au présent ouvrage, l’appel a été cosigné par les cinq instituts, ainsi que par les auteurs de cette publication et d’autres importantes personnalités européennes. L’initiative s’inscrit dans le cadre du partenariat stratégique pluriannuel conclu entre l’IAI et la Compagnia di San Paolo (Turin), et a bénéficié d’un large soutien de l’Institut des démocrates européens (Bruxelles).
Entretien avec Hans-Gert Pöttering, Président du Parlement européen
1.Les prochaines élections européennes auront lieu du 4 au 7 juin. Quel bilan tirez-vous de la législature 2004-2009 ? Quels sont les projets importants, actuels et futurs ? Quelle sera, selon vous, la prochaine législature 2009-2014 ? Et quels sont les défis à court et moyen terme ?
Permettez-moi de commencer par la crise économique et financière. Même si l'ampleur de la crise était à peine prévisible, le système donnait, depuis quelques années déjà, des signes manifestes de carences graves qui, tôt ou tard, allaient nous exposer à de très sérieux problèmes. Avec la mondialisation des échanges financiers, les marchés monétaires et financiers s'en sont beaucoup trop remis au " laisser-faire " et à l'autoréglementation. Tous les événements survenus au cours de ces derniers mois traduisent des carences au niveau de l'évaluation des marchés et du contrôle. La réglementation et la surveillance des marchés financiers n'ont pas suivi l'essor rapide et l'intégration des marchés financiers et n'ont donc pas suffi à éviter le choc financier.
Le Parlement européen a, à maintes reprises, attiré l'attention sur ce défaut de régulation et de surveillance des marchés financiers dans l'Union européenne et exhorté plus d'une fois la Commission à proposer des mesures pour renforcer le système de surveillance européen.
La lutte contre la crise sur les marchés financiers est cruciale. Mais une crise dramatique menace également notre planète, à cause des erreurs et de la négligence humaines.
L'erreur que nous avons commise par rapport aux marchés financiers, en n'intervenant pas suffisamment tôt, ne doit pas se reproduire au niveau de notre environnement.
Même si nous ne pourrons mesurer qu'à très long terme le résultat de nos actions pour lutter contre le changement climatique, le temps qu'il nous reste pour agir est, dans le même temps, très limité – au plus 7 à 8 ans comme nous l'affirment les experts - et le prix de notre inaction est chaque jour plus élevé.
Une lutte déterminée et en temps utile contre le changement climatique et la mise en œuvre du paquet énergétique ne devraient pas être considérées comme une charge économique à court terme mais plutôt comme une nécessité imposée par la sagesse économique à long terme.
Les défis de demain vont très rapidement devenir les problèmes concrets d'aujourd'hui. Nous manquons, dans l'Union européenne, de véritables processus décisionnels qui permettraient de relever efficacement ces défis.
Les grands défis auxquels nous sommes d'ores et déjà confrontés appellent plus que jamais la mise en œuvre du traité de Lisbonne pour une Union européenne capable d'agir, démocratique et proche des citoyens. Car l'Union européenne n'est envisageable que comme l'expression de la liberté en Europe. Nous devons protéger les droits de l'Homme, la démocratie et notre ordre juridique en développant l'Union comme une Communauté du droit et de la liberté. Sans droits de l'Homme, sans démocratie et sans ordre juridique, il n'y a pas de confiance entre les États, ni au sein d'une société. Nous devons poursuivre nos travaux sur ce thème pour que le droit prime toujours en Europe. Le droit doit avoir le pouvoir, ce n'est pas le pouvoir qui détient le droit !
Un autre défi majeur concerne le dialogue interculturel. Ainsi, le dialogue entre les cultures, amorcé au Parlement européen pour éviter un choc des civilisations, a été très bien relayé dans les États membres et chez nos voisins. Les institutions de l'Union européenne prennent ce dialogue de plus en plus au sérieux et organisent une série d'initiatives et de manifestations. Ainsi, l'année 2008 a été consacrée " Année du dialogue interculturel ".
De plus en plus d'aspects de la vie mondiale qui relèvent de l'organisation politique se dérobent à un pouvoir de décision national. Nous sommes confrontés à des défis qui dépassent les frontières nationales. C'est pourquoi la collaboration entre l'échelon national et l'échelon européen est nécessaire pour trouver des solutions efficaces et surtout supportables qui représentent aussi une valeur ajoutée pour tous dans l'Union européenne.
Pour renforcer la démocratie, il est nécessaire que le Parlement assume son rôle de colégislateur, de façon active et consciente. Mais il est nécessaire également que les parlements nationaux se saisissent non seulement des questions fondamentales, mais également des nombreuses particularités de la politique européenne.
Le Parlement européen et les parlements nationaux ne sont pas en concurrence mais ont plutôt une responsabilité commune par rapport à la démocratie européenne. À cela s'ajoute le rôle essentiel de la démocratie régionale – en Allemagne, les Länder – et communale avec nos villes, nos communes et nos circonscriptions qui font la richesse et la diversité de l'Europe.
Actuellement, au regard du développement de l'influence, du pouvoir et de la politique au sein de l'Union européenne, on constate que le Parlement européen est, de manière générale, pris au sérieux
2.Sur le plan personnel, quel bilan tirez-vous de votre Présidence ?
Le mandat de Président du Parlement européen est, à juste titre, limité à deux ans et demi. Notre Parlement est celui de tous les citoyens et citoyennes de l'Union européenne. Il représente la diversité dans l'unité de notre continent. Plus que tout autre organe de l'Union, il doit régulièrement rendre compte de ses actions. Il est issu d'élections libres. Nous savons que la démocratie tire sa force du changement. Ceci vaut également pour la fonction de Président du Parlement européen.
J'ai assumé ma présidence à la tête du Parlement européen avec pour ligne de conduite deux idées directrices, dont l'accomplissement dépasse naturellement le cadre de cette présidence : la protection inconditionnelle de la dignité humaine et l'importance du dialogue des cultures. Je n'ai cessé de prendre position sur ces deux thèmes. Nous avons ensemble mené à bien plusieurs initiatives. Je repense avec gratitude à l'année du dialogue interculturel, laquelle a permis de dégager des dynamiques qui continueront, à l'avenir, à orienter notre démarche, à nous inspirer, à exiger notre engagement.
Lors de mon discours inaugural à la Présidence du Parlement européen, j'avais demandé que nous établissions, avec la création d'une " Maison de l'histoire européenne " un lieu du souvenir et du renouvellement de notre conscience européenne. Entretemps, les décisions ont été prises et le projet est en bonne voie. J'espère que la " Maison de l'histoire européenne " pourra ouvrir ses portes avant les élections européennes de 2014.
3.Il est frappant de constater que les compétences et les pouvoirs du Parlement européen augmentent alors que, dans le même temps, la participation aux élections européennes ne cesse de diminuer. Comment expliquez-vous ce paradoxe ? Comment peut-on, selon vous, susciter un intérêt politique pour ces élections et pour une institution – le Parlement européen – qui joue un rôle de plus en plus important dans l'architecture politique de l'Union européenne ?
Il ressort clairement des entretiens avec les électeurs et les électrices qu'il existe de nos jours un intérêt pour la politique européenne. Mais on ne cesse de nous dire qu'il y a un manque d'information sur l'Union européenne et son travail. De nombreux citoyens semblent ignorer les compétences, pourtant nombreuses, du Parlement européen. Ce déficit d'information se trouve confirmé dans les résultats des sondages produits année après année par l'Eurobaromètre Nous devons nous attaquer sérieusement à ce problème car il est difficile pour quiconque n'est pas informé de prendre des décisions politiques. C'est pourquoi les partisans de la campagne du " non " au référendum irlandais ont eu du succès avec le slogan : " If you don't know, vote no ". Une deuxième campagne pour le référendum en Irlande devra donc absolument passer par une meilleure information des citoyens et citoyennes.
La question se pose naturellement de savoir d'où vient ce déficit d'information, tant il est vrai que toutes les institutions européennes s'efforcent, de diverses manières, d'informer l'opinion publique, que ce soit par l'intermédiaire d'informations proposées directement aux médias, de manifestations publiques, de programmes de visite, de contacts directs avec les citoyens et les citoyennes par Internet et les nouveaux médias. L'une des principales raisons est à l'évidence l'absence de publicité européenne: une information européenne qui serait diffusée dans les États membres de l'Union européenne par les médias nationaux pourrait contribuer à réduire ce déficit d'information. Et ce qui vaut pour les hommes politiques européens vaut également pour les correspondants européens qui travaillent depuis Bruxelles et Strasbourg. Ils se trouvent toujours en concurrence avec les événements nationaux et leurs sujets passent souvent à l'as. Il est regrettable également que les émissions de télévisions et les tables rondes sur des thèmes qui ont également une perspective européenne et abordent, par exemple, les thèmes des migrations, de la crise financière, du marché intérieur ou de la sécurité, invitent exclusivement des hommes politiques nationaux pour en discuter entre eux. Il serait souhaitable que sur ces questions soient également invités des hommes politiques européens qui pourraient les éclairer d'un point de vue européen. Il s'ensuit malheureusement que ces discussions manquent souvent d'une connaissance approfondie de la politique européenne. Il est évident qu'il est difficile d'expliquer la démocratie européenne sans un soutien européen des médias. Le soutien des hommes politiques nationaux, des gouvernements et des députés nationaux sur les grands principes de l'Union européenne est donc indispensable pour qu'une plus grande place soit faite aux questions européennes dans les informations des États membres.
4.Comment vont, selon vous, se dérouler les prochaines élections au Parlement européen ? Comment peut-on éviter la confusion entre des considérations nationales et les véritables défis européens de ces élections ?
Les élections au Parlement européen ont également, d'un point de vue national, une importance qu'il convient de ne pas négliger lorsqu'elles servent également d'élections test ou de point de départ à des élections nationales. Citons à cet égard l'exemple de l'Allemagne, où les élections au Bundestag auront lieu seize semaines seulement après les élections au Parlement européen. Les élections au Bundestag sont traditionnellement le point culminant du calendrier électoral allemand. Ce dernier est bien rempli avec l'élection présidentielle le 23 mai et onze élections communales et cantonales au courant de l'année 2009 et promet d'être passionnant. Le succès aux élections européennes est donc le meilleur test pour un bon résultat aux élections au Bundestag comme aux élections aux Landtag et aux élections communales. Dès lors, nous constatons, avant même les élections européennes, une plus grande prise de conscience et une meilleure compréhension de l'Union européenne. La campagne électorale a ici des effets très concrets. En outre, les sondages Eurobaromètre les plus récents confirment que les citoyens ont une bonne opinion du rôle de l'Union européenne, notamment en cette période de crise. Ainsi, près de deux-tiers des Européens demandent que l'Union européenne joue un plus grand rôle dans la lutte contre la crise économique et financière. Sur ce point, ils font davantage confiance à l'Union européenne pour résoudre la crise qu'aux États membres.
5.Les élections européennes sont organisées sur la base du traité de Nice mais la législature 2009-2014 pourrait se dérouler sur la base des règles du traité de Lisbonne. C'est pourquoi de nombreuses personnes, dans l'opinion publique, voudraient que le Président de la Commission européenne soit nommé en vertu des dispositions du traité de Lisbonne, c'est-à-dire en tenant compte des résultats aux élections européennes. Approuvez-vous cette initiative ? Ne pensez-vous pas qu'une telle initiative pourrait susciter un réel intérêt des citoyens pour les élections européennes du mois de juin ?
En 2004, le Parlement avait demandé que l'orientation politique du Président de la Commission puisse refléter le résultat des élections au Parlement européen. Ce sera à nouveau le cas pour l'élection du nouveau président de la Commission après les élections européennes. En cas de victoire du parti populaire européen (PPE) et de ses partenaires, José Manuel Durão Barroso pourrait poursuivre son travail fructueux en tant que Président de la Commission. Le nouveau traité révisé donnera également force de loi à cette revendication fondamentale d'un parlement démocratiquement élu: après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, les chefs d'État et de gouvernement devront désormais, lors de la nomination d'un candidat au poste de Président de la Commission, tenir compte du résultat des élections au Parlement européen. Conformément au traité révisé, le Parlement européen élit le Président de la Commission et, au cours d'un autre vote, accorde, ou non, sa confiance à l'ensemble de la Commission. Ainsi, les droits du Parlement européen, concernant la nomination de la Commission, sont plus étendus que ceux du Bundestag allemand, qui élit le Chancelier fédéral mais ne vote pas la confiance au gouvernement fédéral dans son ensemble.
Directeur de la publication : Pascale JOANNIN
La Fondation Robert Schuman, créée en 1991 et reconnue d'utilité publique, est le principal centre de recherches français sur l’Europe. Elle développe des études sur l’Union européenne et ses politiques et en promeut le contenu en France, en Europe et à l’étranger. Elle provoque, enrichit et stimule le débat européen par ses recherches, ses publications et l'organisation de conférences. La Fondation est présidée par M. Jean-Dominique GIULIANI.
Permettez-moi de commencer par la crise économique et financière. Même si l'ampleur de la crise était à peine prévisible, le système donnait, depuis quelques années déjà, des signes manifestes de carences graves qui, tôt ou tard, allaient nous exposer à de très sérieux problèmes. Avec la mondialisation des échanges financiers, les marchés monétaires et financiers s'en sont beaucoup trop remis au " laisser-faire " et à l'autoréglementation. Tous les événements survenus au cours de ces derniers mois traduisent des carences au niveau de l'évaluation des marchés et du contrôle. La réglementation et la surveillance des marchés financiers n'ont pas suivi l'essor rapide et l'intégration des marchés financiers et n'ont donc pas suffi à éviter le choc financier.
Le Parlement européen a, à maintes reprises, attiré l'attention sur ce défaut de régulation et de surveillance des marchés financiers dans l'Union européenne et exhorté plus d'une fois la Commission à proposer des mesures pour renforcer le système de surveillance européen.
La lutte contre la crise sur les marchés financiers est cruciale. Mais une crise dramatique menace également notre planète, à cause des erreurs et de la négligence humaines.
L'erreur que nous avons commise par rapport aux marchés financiers, en n'intervenant pas suffisamment tôt, ne doit pas se reproduire au niveau de notre environnement.
Même si nous ne pourrons mesurer qu'à très long terme le résultat de nos actions pour lutter contre le changement climatique, le temps qu'il nous reste pour agir est, dans le même temps, très limité – au plus 7 à 8 ans comme nous l'affirment les experts - et le prix de notre inaction est chaque jour plus élevé.
Une lutte déterminée et en temps utile contre le changement climatique et la mise en œuvre du paquet énergétique ne devraient pas être considérées comme une charge économique à court terme mais plutôt comme une nécessité imposée par la sagesse économique à long terme.
Les défis de demain vont très rapidement devenir les problèmes concrets d'aujourd'hui. Nous manquons, dans l'Union européenne, de véritables processus décisionnels qui permettraient de relever efficacement ces défis.
Les grands défis auxquels nous sommes d'ores et déjà confrontés appellent plus que jamais la mise en œuvre du traité de Lisbonne pour une Union européenne capable d'agir, démocratique et proche des citoyens. Car l'Union européenne n'est envisageable que comme l'expression de la liberté en Europe. Nous devons protéger les droits de l'Homme, la démocratie et notre ordre juridique en développant l'Union comme une Communauté du droit et de la liberté. Sans droits de l'Homme, sans démocratie et sans ordre juridique, il n'y a pas de confiance entre les États, ni au sein d'une société. Nous devons poursuivre nos travaux sur ce thème pour que le droit prime toujours en Europe. Le droit doit avoir le pouvoir, ce n'est pas le pouvoir qui détient le droit !
Un autre défi majeur concerne le dialogue interculturel. Ainsi, le dialogue entre les cultures, amorcé au Parlement européen pour éviter un choc des civilisations, a été très bien relayé dans les États membres et chez nos voisins. Les institutions de l'Union européenne prennent ce dialogue de plus en plus au sérieux et organisent une série d'initiatives et de manifestations. Ainsi, l'année 2008 a été consacrée " Année du dialogue interculturel ".
De plus en plus d'aspects de la vie mondiale qui relèvent de l'organisation politique se dérobent à un pouvoir de décision national. Nous sommes confrontés à des défis qui dépassent les frontières nationales. C'est pourquoi la collaboration entre l'échelon national et l'échelon européen est nécessaire pour trouver des solutions efficaces et surtout supportables qui représentent aussi une valeur ajoutée pour tous dans l'Union européenne.
Pour renforcer la démocratie, il est nécessaire que le Parlement assume son rôle de colégislateur, de façon active et consciente. Mais il est nécessaire également que les parlements nationaux se saisissent non seulement des questions fondamentales, mais également des nombreuses particularités de la politique européenne.
Le Parlement européen et les parlements nationaux ne sont pas en concurrence mais ont plutôt une responsabilité commune par rapport à la démocratie européenne. À cela s'ajoute le rôle essentiel de la démocratie régionale – en Allemagne, les Länder – et communale avec nos villes, nos communes et nos circonscriptions qui font la richesse et la diversité de l'Europe.
Actuellement, au regard du développement de l'influence, du pouvoir et de la politique au sein de l'Union européenne, on constate que le Parlement européen est, de manière générale, pris au sérieux
2.Sur le plan personnel, quel bilan tirez-vous de votre Présidence ?
Le mandat de Président du Parlement européen est, à juste titre, limité à deux ans et demi. Notre Parlement est celui de tous les citoyens et citoyennes de l'Union européenne. Il représente la diversité dans l'unité de notre continent. Plus que tout autre organe de l'Union, il doit régulièrement rendre compte de ses actions. Il est issu d'élections libres. Nous savons que la démocratie tire sa force du changement. Ceci vaut également pour la fonction de Président du Parlement européen.
J'ai assumé ma présidence à la tête du Parlement européen avec pour ligne de conduite deux idées directrices, dont l'accomplissement dépasse naturellement le cadre de cette présidence : la protection inconditionnelle de la dignité humaine et l'importance du dialogue des cultures. Je n'ai cessé de prendre position sur ces deux thèmes. Nous avons ensemble mené à bien plusieurs initiatives. Je repense avec gratitude à l'année du dialogue interculturel, laquelle a permis de dégager des dynamiques qui continueront, à l'avenir, à orienter notre démarche, à nous inspirer, à exiger notre engagement.
Lors de mon discours inaugural à la Présidence du Parlement européen, j'avais demandé que nous établissions, avec la création d'une " Maison de l'histoire européenne " un lieu du souvenir et du renouvellement de notre conscience européenne. Entretemps, les décisions ont été prises et le projet est en bonne voie. J'espère que la " Maison de l'histoire européenne " pourra ouvrir ses portes avant les élections européennes de 2014.
3.Il est frappant de constater que les compétences et les pouvoirs du Parlement européen augmentent alors que, dans le même temps, la participation aux élections européennes ne cesse de diminuer. Comment expliquez-vous ce paradoxe ? Comment peut-on, selon vous, susciter un intérêt politique pour ces élections et pour une institution – le Parlement européen – qui joue un rôle de plus en plus important dans l'architecture politique de l'Union européenne ?
Il ressort clairement des entretiens avec les électeurs et les électrices qu'il existe de nos jours un intérêt pour la politique européenne. Mais on ne cesse de nous dire qu'il y a un manque d'information sur l'Union européenne et son travail. De nombreux citoyens semblent ignorer les compétences, pourtant nombreuses, du Parlement européen. Ce déficit d'information se trouve confirmé dans les résultats des sondages produits année après année par l'Eurobaromètre Nous devons nous attaquer sérieusement à ce problème car il est difficile pour quiconque n'est pas informé de prendre des décisions politiques. C'est pourquoi les partisans de la campagne du " non " au référendum irlandais ont eu du succès avec le slogan : " If you don't know, vote no ". Une deuxième campagne pour le référendum en Irlande devra donc absolument passer par une meilleure information des citoyens et citoyennes.
La question se pose naturellement de savoir d'où vient ce déficit d'information, tant il est vrai que toutes les institutions européennes s'efforcent, de diverses manières, d'informer l'opinion publique, que ce soit par l'intermédiaire d'informations proposées directement aux médias, de manifestations publiques, de programmes de visite, de contacts directs avec les citoyens et les citoyennes par Internet et les nouveaux médias. L'une des principales raisons est à l'évidence l'absence de publicité européenne: une information européenne qui serait diffusée dans les États membres de l'Union européenne par les médias nationaux pourrait contribuer à réduire ce déficit d'information. Et ce qui vaut pour les hommes politiques européens vaut également pour les correspondants européens qui travaillent depuis Bruxelles et Strasbourg. Ils se trouvent toujours en concurrence avec les événements nationaux et leurs sujets passent souvent à l'as. Il est regrettable également que les émissions de télévisions et les tables rondes sur des thèmes qui ont également une perspective européenne et abordent, par exemple, les thèmes des migrations, de la crise financière, du marché intérieur ou de la sécurité, invitent exclusivement des hommes politiques nationaux pour en discuter entre eux. Il serait souhaitable que sur ces questions soient également invités des hommes politiques européens qui pourraient les éclairer d'un point de vue européen. Il s'ensuit malheureusement que ces discussions manquent souvent d'une connaissance approfondie de la politique européenne. Il est évident qu'il est difficile d'expliquer la démocratie européenne sans un soutien européen des médias. Le soutien des hommes politiques nationaux, des gouvernements et des députés nationaux sur les grands principes de l'Union européenne est donc indispensable pour qu'une plus grande place soit faite aux questions européennes dans les informations des États membres.
4.Comment vont, selon vous, se dérouler les prochaines élections au Parlement européen ? Comment peut-on éviter la confusion entre des considérations nationales et les véritables défis européens de ces élections ?
Les élections au Parlement européen ont également, d'un point de vue national, une importance qu'il convient de ne pas négliger lorsqu'elles servent également d'élections test ou de point de départ à des élections nationales. Citons à cet égard l'exemple de l'Allemagne, où les élections au Bundestag auront lieu seize semaines seulement après les élections au Parlement européen. Les élections au Bundestag sont traditionnellement le point culminant du calendrier électoral allemand. Ce dernier est bien rempli avec l'élection présidentielle le 23 mai et onze élections communales et cantonales au courant de l'année 2009 et promet d'être passionnant. Le succès aux élections européennes est donc le meilleur test pour un bon résultat aux élections au Bundestag comme aux élections aux Landtag et aux élections communales. Dès lors, nous constatons, avant même les élections européennes, une plus grande prise de conscience et une meilleure compréhension de l'Union européenne. La campagne électorale a ici des effets très concrets. En outre, les sondages Eurobaromètre les plus récents confirment que les citoyens ont une bonne opinion du rôle de l'Union européenne, notamment en cette période de crise. Ainsi, près de deux-tiers des Européens demandent que l'Union européenne joue un plus grand rôle dans la lutte contre la crise économique et financière. Sur ce point, ils font davantage confiance à l'Union européenne pour résoudre la crise qu'aux États membres.
5.Les élections européennes sont organisées sur la base du traité de Nice mais la législature 2009-2014 pourrait se dérouler sur la base des règles du traité de Lisbonne. C'est pourquoi de nombreuses personnes, dans l'opinion publique, voudraient que le Président de la Commission européenne soit nommé en vertu des dispositions du traité de Lisbonne, c'est-à-dire en tenant compte des résultats aux élections européennes. Approuvez-vous cette initiative ? Ne pensez-vous pas qu'une telle initiative pourrait susciter un réel intérêt des citoyens pour les élections européennes du mois de juin ?
En 2004, le Parlement avait demandé que l'orientation politique du Président de la Commission puisse refléter le résultat des élections au Parlement européen. Ce sera à nouveau le cas pour l'élection du nouveau président de la Commission après les élections européennes. En cas de victoire du parti populaire européen (PPE) et de ses partenaires, José Manuel Durão Barroso pourrait poursuivre son travail fructueux en tant que Président de la Commission. Le nouveau traité révisé donnera également force de loi à cette revendication fondamentale d'un parlement démocratiquement élu: après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, les chefs d'État et de gouvernement devront désormais, lors de la nomination d'un candidat au poste de Président de la Commission, tenir compte du résultat des élections au Parlement européen. Conformément au traité révisé, le Parlement européen élit le Président de la Commission et, au cours d'un autre vote, accorde, ou non, sa confiance à l'ensemble de la Commission. Ainsi, les droits du Parlement européen, concernant la nomination de la Commission, sont plus étendus que ceux du Bundestag allemand, qui élit le Chancelier fédéral mais ne vote pas la confiance au gouvernement fédéral dans son ensemble.
Directeur de la publication : Pascale JOANNIN
La Fondation Robert Schuman, créée en 1991 et reconnue d'utilité publique, est le principal centre de recherches français sur l’Europe. Elle développe des études sur l’Union européenne et ses politiques et en promeut le contenu en France, en Europe et à l’étranger. Elle provoque, enrichit et stimule le débat européen par ses recherches, ses publications et l'organisation de conférences. La Fondation est présidée par M. Jean-Dominique GIULIANI.
Elections européennes : l'heure des choix Le cas de la France
Par Yves Bertoncini et Thierry Chopin
Choix civique, puisque les électeurs auront la possibilité de désigner directement des représentants exerçant d'importants pouvoirs en matière normative, budgétaire et de contrôle - pouvoirs en progression constante depuis une trentaine d'années.
Choix partisan également, puisque ce scrutin conduira à la désignation d'élus dont les décisions sont déterminées sur des bases idéologiques. L'analyse de 16 votes emblématiques de la législature 2004-2009 met en évidence la coexistence d'un clivage pro/anti intégration européenne et d'un clivage droite/gauche, de même que l'expression de certaines spécificités politiques françaises. La vigueur de ces clivages est confirmée par une consultation des programmes des partis participant au scrutin de juin.
Choix national enfin, dès lors que ces élections constitueront un événement déterminant pour l'influence des Etats membres au niveau communautaire en général et de la France en particulier.
Les auteurs :
Yves Bertoncini, enseigne les questions européennes à l'IEP Paris, au Corps des Mines et à l'ENA. Il est Secrétaire général d'Europanova.
Thierry Chopin, directeur des études de la Fondation Robert Schuman. Professeur au Collège d'Europe (Bruges), il enseigne au Corps des Mines et à l'IEP de Paris (Sciences Po). Il est expert associé au CERI.
Cette Note est la 45ème de la collection. Tirée à 1 500 exemplaires, elle est disponible en ligne en français (au format papier ou PDF) au tarif de 10 €.
Fondation Robert Schuman
29, bd Raspail, 75007 - Paris
Tél : +33.(0)1.53.63.83.00
Fax : +33.(0)1.53.63.83.01
info@robert-schuman.eu
Bureau de Bruxelles
Rond-Point Schuman 6 / Schumanplein 6
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Fax : + 32.(0)2.234.77.72
bruxelles@robert-schuman.eu
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Dans la perspective des élections européennes des 4-7 juin prochains, la Fondation Robert Schuman publie une nouvelle note intitulée Elections européennes : l'heure des choix - Le cas de la France, qui met en évidence les enjeux du scrutin.
Choix civique, puisque les électeurs auront la possibilité de désigner directement des représentants exerçant d'importants pouvoirs en matière normative, budgétaire et de contrôle - pouvoirs en progression constante depuis une trentaine d'années.
Choix partisan également, puisque ce scrutin conduira à la désignation d'élus dont les décisions sont déterminées sur des bases idéologiques. L'analyse de 16 votes emblématiques de la législature 2004-2009 met en évidence la coexistence d'un clivage pro/anti intégration européenne et d'un clivage droite/gauche, de même que l'expression de certaines spécificités politiques françaises. La vigueur de ces clivages est confirmée par une consultation des programmes des partis participant au scrutin de juin.
Choix national enfin, dès lors que ces élections constitueront un événement déterminant pour l'influence des Etats membres au niveau communautaire en général et de la France en particulier.
Les auteurs :
Yves Bertoncini, enseigne les questions européennes à l'IEP Paris, au Corps des Mines et à l'ENA. Il est Secrétaire général d'Europanova.
Thierry Chopin, directeur des études de la Fondation Robert Schuman. Professeur au Collège d'Europe (Bruges), il enseigne au Corps des Mines et à l'IEP de Paris (Sciences Po). Il est expert associé au CERI.
Cette Note est la 45ème de la collection. Tirée à 1 500 exemplaires, elle est disponible en ligne en français (au format papier ou PDF) au tarif de 10 €.
Fondation Robert Schuman
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dimanche 22 mars 2009
Entretien avec Jean-Claude Trichet
Entretien avec Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne
1.La monnaie unique, l'euro, vient de fêter ses dix ans. Quel bilan peut-on tirer de sa première décennie d'existence ?
Aujourd'hui, 329 millions d'Européens dans seize pays partagent une monnaie unique qui, conformément à la promesse faite par les Pères fondateurs de l'Union économique et monétaire, conserve sa valeur, inspire confiance et bénéficie du même niveau de stabilité et de crédibilité que les monnaies les plus solides qu'elle a remplacées. Il y a dix ans, nombreux étaient ceux qui pensaient que cette promesse ne pourrait être tenue et que la monnaie unique était vouée à l'échec.
Depuis l'introduction de l'euro le 1er janvier 1999, les citoyens européens bénéficient d'un niveau de stabilité des prix qui n'avait été réalisé jusqu'alors que dans quelques pays. La stabilité des prix profite directement à l'ensemble de nos concitoyens, dans la mesure où elle protège les revenus et l'épargne, et contribue à réduire le coût du crédit, favorisant ainsi l'investissement, la création d'emplois et une prospérité durable. L'euro est un facteur de dynamisme pour l'économie européenne. Il a amélioré la transparence des prix, renforcé les échanges commerciaux et conforté l'intégration économique et financière, non seulement au sein de la zone euro, mais aussi à l'échelle mondiale.
Au cours des derniers mois, nous avons profité d'un autre bienfait de l'euro : la crise financière a montré qu'il vaut mieux traverser une tempête financière sur un grand navire robuste tenant bien la mer plutôt que sur un frêle esquif. Est-ce que l'Europe aurait été en mesure d'agir aussi rapidement, de manière aussi résolue et cohérente si nous n'avions pas eu la monnaie unique qui nous unit ? Aurions-nous pu protéger plusieurs monnaies nationales distinctes des répercussions de la crise financière ? Les différentes autorités, les parlements, les gouvernements et les banques centrales en Europe ont montré que celle-ci est capable de prendre des décisions, même dans les situations les plus difficiles.
L'euro offre de nombreux avantages aux pays qui ont décidé de l'adopter. Mais il faut se garder de toute complaisance. Les défis actuels se posent avec acuité et les temps à venir apporteront de nouveaux défis et de nouveaux chocs. Il convient de conforter et de consolider le succès durable de l'Union économique et monétaire et les avantages apportés jusqu'à présent par l'euro. Les citoyens de la zone euro peuvent avoir confiance dans l'Eurosystème, qui comprend la Banque centrale européenne (BCE) et les seize banques centrales nationales de la zone euro [1]. Celui-ci fera ce qu'il doit faire pour préserver la stabilité monétaire et financière.
2.On entend souvent que l'euro a entraîné une augmentation des prix. Cette affirmation est-elle justifiée ? Quelles ont été les conséquences de l'introduction de la monnaie unique sur le pouvoir d'achat des citoyens européens ? Les salariés ont-ils bénéficié ou non de l'euro ?
Les dix premières années d'existence de l'euro ont apporté, dans l'ensemble, de faibles taux d'inflation dans la zone euro, inférieurs à ceux enregistrés précédemment dans les différents pays. Au cours des dix dernières années, nous avons réussi à maintenir l'inflation à un niveau stable dans la zone euro, le taux d'inflation annuel moyen se situant aux alentours de 2 %. Il s'agit là d'un bon résultat, compte tenu de l'envolée des prix des matières premières et de l'énergie observée durant cette période, et ce chiffre est significativement inférieur au taux d'inflation moyen relevé au cours de la décennie ayant précédé l'introduction de l'euro.
Toutefois, il est vrai que quelques secteurs, dans plusieurs pays européens, ont voulu profiter du passage à l'euro fiduciaire, le 1er janvier 2002, pour augmenter certains prix. Selon une évaluation d'Eurostat, le passage à l'euro pourrait avoir entraîné une hausse moyenne de l'indice des prix à la consommation harmonisé comprise entre 0,1 % et 0,3 % entre décembre 2001 et janvier 2002. Comme cela a été un phénomène isolé, non récurrent, son impact est négligeable sur les dix ans de l'euro.
Avec le recul, il apparaît clairement que le Conseil des gouverneurs de la BCE, qui comprend les membres du directoire de la BCE et les gouverneurs des banques centrales nationales de la zone euro, a pris les bonnes décisions afin de maintenir la stabilité des prix dans la zone euro, conformément à son mandat et aux dispositions du Traité instituant la Communauté européenne. Je tiens aussi à souligner que l'inflation devrait s'inscrire à un niveau très bas pendant quelques mois en 2009, en raison de la baisse des cours du pétrole. Cette évolution aura une incidence favorable sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
En dernier lieu, je voudrais insister sur le fait que l'euro ne va pas à l'encontre de la création d'emplois, comme nous l'entendons dire ou le lisons parfois. Au contraire, au cours de ses dix premières années d'existence, le nombre de personnes en activité s'est accru d'environ seize millions, soit un chiffre nettement supérieur à celui enregistré aux États-Unis durant la même période. En outre, le nombre de créations d'emplois dans la zone euro au cours des dix dernières années est très supérieur au nombre d'emplois créés au cours de la décennie ayant précédé l'introduction de l'euro.
3. Le monde est actuellement confronté à une crise financière majeure. Selon les dernières prévisions de la Commission européenne, le PIB de la zone euro pourrait baisser de 1,9 % en 2009 et la reprise ne serait que timide en 2010, et ce en dépit des plans de relance et de la baisse des taux d'intérêt. Quels seraient, selon vous, les éléments clés de la reprise de l'activité au sein de l'Union ?
S'appuyant sur les informations les plus récentes, nos prévisions continuent d'aller dans le sens d'une faiblesse persistante de l'activité économique dans la zone euro au cours des prochains trimestres. Selon les projections macroéconomiques des experts de la BCE publiées le 5 mars 2009, la croissance annuelle du PIB en volume devrait s'établir entre - 3,2 % et - 2,2 % en 2009 et entre - 0,7 % et + 0,7 % en 2010.
L'économie mondiale traverse une période de ralentissement brutal de l'activité, les effets défavorables des turbulences financières sur l'économie réelle étant aggravés par une contraction sensible des échanges internationaux. Dans ce contexte, la zone euro devra probablement faire face à une période prolongée de forte atonie de l'activité économique. Le recul de la demande extérieure pèsera sur les exportations et l'investissement, tandis que la détérioration de la situation des marchés du travail et l'érosion de la confiance devraient freiner la consommation. Compte tenu de ces éléments, la reprise dans le courant de l'année 2010 sera probablement modérée, sous l'effet d'une amélioration progressive de l'environnement international et d'un affaiblissement des tensions sur les marchés de capitaux.
Je tiens à souligner que nous devons relever, à l'heure actuelle, de très grands défis, en raison notamment d'un degré d'incertitude exceptionnellement élevé. Mais je suis convaincu qu'à terme, plusieurs éléments joueront en faveur de la zone euro. En particulier, nous devons prendre en compte le repli très prononcé des cours des matières premières observé depuis mi-2008, qui continuera de soutenir de manière appréciable le revenu réel disponible et, par conséquent, la consommation au cours des prochains mois. En outre, les importantes mesures adoptées par les autorités ces derniers mois pour faire face aux turbulences financières devraient contribuer à restaurer la confiance dans le système financier et à atténuer les contraintes pesant sur l'offre de crédits aux entreprises et aux ménages.
Enfin, l'amélioration de la confiance est essentielle pour surmonter les difficultés économiques actuelles. Les gouvernements et les banques centrales au sein de l'Union européenne mettent tout en œuvre pour préserver et renforcer la confiance. Pour sa part, la BCE doit, plus que jamais, être une ancre de stabilité et de confiance.
4.Quel rôle la BCE peut-elle jouer dans la lutte contre la récession économique ? Va t-elle pratiquer une politique de taux nuls ? Est-il concevable que l'on revienne sur l'interdiction pour la BCE de monétiser la dette des États et des entreprises, solution que semble envisager sérieusement la Fed ? À défaut, quelles solutions recommandez-vous pour permettre à terme la réduction de l'endettement des États, le rétablissement d'un niveau de fonds propres satisfaisant pour les banques et l'accès au financement des entreprises ? Pour éviter de seulement substituer de l'endettement public à de l'endettement privé, peut-on envisager de convertir une partie de la dette financière des banques en difficulté en fonds propres comme le proposent certains économistes ?
Depuis l'apparition des turbulences financières en août 2007, le Conseil des gouverneurs a pris des décisions sans précédent, agissant rapidement et de manière résolue. Un nombre significatif de mesures exceptionnelles visant à conforter le bon fonctionnement du marché monétaire de la zone euro ont été mises en œuvre. Nous fournissons un volume illimité de liquidité, pour des durées allant d'une semaine à six mois. Nous avons réduit les taux d'intérêt directeurs de la BCE de 275 points de base depuis octobre 2008. Par leur nature, leur ampleur et leur rapidité, ces mesures sont sans équivalent depuis la création de la BCE, il y a dix ans. Je voudrais insister sur le fait que ces décisions de politique monétaire sont pleinement conformes à notre mandat, qui consiste à assurer la stabilité des prix, à savoir maintenir les taux d'inflation à un niveau inférieur à 2%, mais proche de 2 % à moyen terme. En ce qui concerne la politique de taux d'intérêt zéro, comme je l'ai souligné en faisant part des résultats des délibérations du Conseil des gouverneurs, nous estimons que cette politique comporte un certain nombre d'inconvénients.
Dans une perspective à plus long terme, je tiens à souligner une fois encore que le Conseil des gouverneurs de la BCE prendra toute mesure nécessaire pour rester fidèle à son mandat dans un contexte actuel très exigeant. Nous sommes déterminés à continuer d'assurer un ancrage solide des anticipations d'inflation à un niveau en ligne avec notre définition de la stabilité des prix à moyen terme, qui soutient durablement la croissance et l'emploi, et contribue à la stabilité financière. Les citoyens européens peuvent être certains que la BCE a la capacité et la volonté de prendre les mesures nécessaires pour assurer la stabilité des prix et maintenir la confiance.
5. Quel regard portez-vous sur la crise financière en Europe centrale ? Que peut-on faire pour aider ces pays à traverser cette période difficile ?
Nous suivons très attentivement l'évolution de la situation dans les pays d'Europe centrale et orientale. Nous avons déjà pris un certain nombre de décisions, la BCE ayant notamment conclu des accords de pension avec quelques banques centrales de la région. Je me félicite également des initiatives prises par d'autres organisations internationales et européennes face à la situation difficile sur le plan économique et financier que traversent les pays d'Europe centrale et orientale. La BCE continuera à surveiller de très près la situation dans cette région.
6. Des voix se sont élevées mettant en cause la solidité de la zone euro qui serait notamment affaiblie par l'endettement de certains États. Cela vous paraît-il justifié ?
La zone euro est extrêmement solide. Et lorsqu'on me demande " Que se passerait-il si... ? ", je réponds que je ne commente jamais une hypothèse absurde. J'ai confiance dans la capacité des pays participants à assumer leurs responsabilités, y compris sur le plan budgétaire.
Je voudrais rappeler certains faits et quelques chiffres. Face à la crise financière, les gouvernements ont consacré l'équivalent de 3,5 % du PIB de la zone euro à des injections de fonds et à d'autres mesures de soutien, accroissant la dette publique, en faveur du secteur financier, qui en a utilisé moins de la moitié jusqu'à présent. En outre, le plafond annoncé pour les garanties sur les obligations émises par les banques ou les prêts entre institutions financières représente environ 20 % du PIB, dont quelque 8 % ont été utilisés. Lors de sa réunion des 11 et 12 décembre 2008, le Conseil européen a approuvé un plan de relance de l'économie européenne. Ce plan prévoit que les États membres apporteront une contribution à hauteur de 170 milliards d'euros (soit 1,2 % du PIB de l'Union européenne) à un programme de relance budgétaire européen d'un montant total de 200 milliards d'euros (équivalant à 1,5 % du PIB), le solde provenant du budget de l'Union européenne et de la Banque européenne d'investissement. Cette action coordonnée vise à soutenir la reprise économique en renforçant la demande globale et en intensifiant les efforts en vue de mettre en œuvre les réformes structurelles prévues par la stratégie de Lisbonne. Parallèlement, le Conseil européen a réaffirmé son plein engagement pour appliquer le Pacte de stabilité et de croissance et promouvoir des finances publiques soutenables à moyen terme.
Comme l'ont souligné la Commission européenne et la BCE, pour être efficaces, les mesures de relance doivent être ciblées, temporaires et mises en œuvre rapidement. Certaines expirent automatiquement, mais la réversibilité d'un grand nombre d'entre elles n'est pas garantie et il pourrait s'avérer très difficile d'y mettre un terme.
Dans ce contexte, un engagement crédible pour mettre en œuvre la consolidation budgétaire est nécessaire afin de maintenir la confiance du public dans la viabilité des finances publiques. Cette démarche est importante à la fois pour la reprise de l'économie maintenant et pour la croissance à moyen et long terme.
7.D'autres voix s'élèvent en faveur d'une amélioration de la gouvernance économique de la zone euro. Quel regard portez-vous sur ce débat ? Le cas échéant, quelles seraient les voies d'une amélioration de la gouvernance économique européenne ?
La crise financière en cours met en évidence, une nouvelle fois, l'importance de la bonne gouvernance économique au niveau national, européen et mondial. La politique monétaire dans la zone euro est définie par le Conseil des gouverneurs de la BCE et mise en œuvre par les banques centrales nationales de l'Eurosystème, dans le plein respect du principe d'indépendance inscrit dans le Traité instituant la Communauté européenne et les statuts du Système européen de banques centrales. Les politiques économiques, quant à elles, relèvent de la compétence des États membres. Ces politiques nationales sont intégrées dans un cadre européen qui prend en compte le renforcement des interdépendances économiques et financières au sein du marché unique et de l'Union économique et monétaire, notamment à travers le Pacte de stabilité et de croissance (pour la politique budgétaire) et la stratégie de Lisbonne (politique structurelle).
En ce qui concerne les politiques économiques, les dix premières années de l'Union économique et monétaire démontrent que le cadre européen adopté pose les principes de base d'une saine gestion macroéconomique et exige un engagement politique, notamment dans le domaine des politiques budgétaires et structurelles.
Le Pacte de stabilité et de croissance stipule que les États membres doivent " remettre de l'ordre " dans leurs finances publiques en période de conjoncture favorable. Les pays n'ayant pas atteint cet objectif au cours de ces dernières années disposent à présent d'une marge de manœuvre très limitée sur le plan budgétaire pour faire face aux évolutions économiques actuelles. Même dans des circonstances exceptionnelles, telles que la crise en cours, il convient de garder à l'esprit la nécessité de poursuivre des politiques budgétaires saines et soutenables à moyen terme. Par conséquent, il est essentiel de définir dès maintenant la stratégie de retour à une situation budgétaire saine à moyen terme afin de ne pas compromettre la confiance du public dans la soutenabilité des finances publiques.
Les évolutions économiques actuelles soulignent également la nécessité de renforcer le potentiel de croissance ainsi que la résilience et la capacité de résistance et d'ajustement des économies européennes. La stratégie de Lisbonne appelle les États membres à mettre en œuvre les réformes structurelles nécessaires. Dans ce domaine également, la BCE soutient résolument les mesures prises au cours de ces dernières années et encourage les autorités publiques à accélérer le rythme des réformes. La crise financière est un élément supplémentaire qui plaide en faveur du programme de réformes de l'Union européenne.
En ce qui concerne les politiques budgétaires et les politiques de réforme structurelle ainsi que le suivi des indicateurs de compétitivité, y compris les coûts salariaux unitaires, la surveillance mutuelle par les gouvernements est essentielle. La BCE soutient fermement tous les efforts en vue d'améliorer l'efficacité de cette surveillance mutuelle, qui est capitale pour la stabilité et la prospérité de la zone euro.
[1] Banque nationale de Belgique, Deutsche Bundesbank, Central Bank and Financial Services Authority of Ireland, Banque de Grèce, Banco de España, Banque de France, Banca d'Italia, Banque centrale de Chypre, Banque centrale du Luxembourg, Bank Centrali ta' Malta/Central Bank of Malta, De Nederlandsche Bank, Oesterreichische Nationalbank, Banco de Portugal, Banka Slovenije, Národná banka Slovenska, Suomen Pankki – Finlands Bank.
Directeur de la publication : Pascale JOANNIN
La Fondation Robert Schuman, créée en 1991 et reconnue d'utilité publique, est le principal centre de recherches français sur l’Europe. Elle développe des études sur l’Union européenne et ses politiques et en promeut le contenu en France, en Europe et à l’étranger. Elle provoque, enrichit et stimule le débat européen par ses recherches, ses publications et l'organisation de conférences. La Fondation est présidée par M. Jean-Dominique GIULIANI.
vendredi 23 janvier 2009
Pavel Fischer, Ambassadeur de Tchéquie en France le 12 Février 2009 Ville d'Avray
A l’occasion de la nouvelle présidence de l’Union Européenne
Denis Badré reçoit
Pavel Fischer
Ambassadeur de Tchéquie en France
Conférence-débatJeudi 12 février 2009
à 20h45 au Colombier
Le Colombier de Ville d'Avray
Place Charles de Gaulle
92410 Ville d'Avray
contact 06 11 61 93 00
Denis Badré reçoit
Pavel Fischer
Ambassadeur de Tchéquie en France
Conférence-débatJeudi 12 février 2009
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Le Colombier de Ville d'Avray
Place Charles de Gaulle
92410 Ville d'Avray
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jeudi 15 janvier 2009
MEF / Voeux de la présidente
Chers amis,
Permettez-moi tout d'abord de vous adresser mes meilleurs vœux pour l'année nouvelle. Pour l'Union européenne, ce devrait être un grand millésime : l'élection du Parlement européen constituant le grand rendez-vous démocratique européen ; espérons que la crise ne s'aggrave pas outre-mesure et n'accapare pas tous les esprits, déjà prompts à s'en tenir à des controverses nationales.
La bonne nouvelle de ce début d'année est l'arrivée de Pauline Gessant, notre nouvelle secrétaire générale qui connaît bien le ME-F pour avoir été présidente des Jeunes Européens et qui a démontré, depuis des années, qu'elle était une militante européenne dynamique. Elle a toute ma confiance ; les premières réactions émanant des sections et de nos partenaires prouvent que cette estime est partagée.
Le renforcement de l'équipe devrait nous permettre de tenir nos bonnes résolutions de début d'année : organiser des débats vivants et animés en vue des élections européennes ; poursuivre à un rythme intense notre action à Paris et dans les régions et même… envoyer rapidement les cartes d'adhérent.
Je serais reconnaissante à tous ceux qui ne l'ont pas fait de renouveler aussi vite que possible leur adhésion auprès de leurs sections locales ; vos cotisations sont précieuses. Elles sont le signe de votre engagement et plus elles seront nombreuses, plus les pouvoirs publics nous entendront, plus le camp eurosceptique nous respectera. Je vous invite à la plus grande vigilance pendant la campagne où naturellement, les préjugés et les idées toutes faites sur l'Europe refleuriront. Il est important que des arguments rationnels soient portés à la connaissance du public, à la fois dans les débats des cercles auxquels vous appartenez mais aussi sur Internet.
A tous une bonne année, joyeuse et engagée.
Sylvie Goulard
Permettez-moi tout d'abord de vous adresser mes meilleurs vœux pour l'année nouvelle. Pour l'Union européenne, ce devrait être un grand millésime : l'élection du Parlement européen constituant le grand rendez-vous démocratique européen ; espérons que la crise ne s'aggrave pas outre-mesure et n'accapare pas tous les esprits, déjà prompts à s'en tenir à des controverses nationales.
La bonne nouvelle de ce début d'année est l'arrivée de Pauline Gessant, notre nouvelle secrétaire générale qui connaît bien le ME-F pour avoir été présidente des Jeunes Européens et qui a démontré, depuis des années, qu'elle était une militante européenne dynamique. Elle a toute ma confiance ; les premières réactions émanant des sections et de nos partenaires prouvent que cette estime est partagée.
Le renforcement de l'équipe devrait nous permettre de tenir nos bonnes résolutions de début d'année : organiser des débats vivants et animés en vue des élections européennes ; poursuivre à un rythme intense notre action à Paris et dans les régions et même… envoyer rapidement les cartes d'adhérent.
Je serais reconnaissante à tous ceux qui ne l'ont pas fait de renouveler aussi vite que possible leur adhésion auprès de leurs sections locales ; vos cotisations sont précieuses. Elles sont le signe de votre engagement et plus elles seront nombreuses, plus les pouvoirs publics nous entendront, plus le camp eurosceptique nous respectera. Je vous invite à la plus grande vigilance pendant la campagne où naturellement, les préjugés et les idées toutes faites sur l'Europe refleuriront. Il est important que des arguments rationnels soient portés à la connaissance du public, à la fois dans les débats des cercles auxquels vous appartenez mais aussi sur Internet.
A tous une bonne année, joyeuse et engagée.
Sylvie Goulard
lundi 5 janvier 2009
Considérations sur la crise et le marché intérieur
Auteurs :
Jacques Potdevin : Président de la Fédération des Experts comptables Européens (FEE - Federation of European Accountants) de 2007 à 2008.
Olivier Boutellis-Taft : Directeur exécutif de la FEE.
Le marché intérieur a fait l'objet d'une forte attention politique, d'efforts de la part du législateur et de commentaires de toutes sortes. Le dixième anniversaire du marché intérieur en 2002 avait été l'occasion de souligner les avantages de cet extraordinaire programme de réformes : choix plus vaste, meilleure qualité, prix plus avantageux, 1 million d'échanges d'étudiants grâce au programme Erasmus. Si l'on s'intéresse aux aspects économiques, on estime que le marché intérieur a permis d'augmenter le PIB de 1,8%, de créer 2,5 millions d'emplois et d'améliorer la prospérité de chaque ménage de 5 700 € en moyenne [1].
Outre ces chiffres, le marché intérieur constitue une incroyable réalisation politique, reconnue dans le monde entier, dont le succès est l'aboutissement de l'un des plus vastes et des plus ambitieux programmes de réformes structurelles.
La mission est-elle achevée ? Non, il serait faux de croire que le marché intérieur est terminé. Les experts-comptables qui travaillent avec des entreprises de toute taille savent par expérience qu'en pratique, il reste de nombreux obstacles et qu'il est essentiel de poursuivre l'harmonisation et la simplification pour permettre aux entreprises de saisir les opportunités offertes par le marché intérieur. Cela vaut notamment pour les PME, qui constituent la grande majorité des entreprises de l'Union européenne, à savoir plus de 90%.
Le marché intérieur constitue également le meilleur atout des PME pour être compétitives sur les marchés mondiaux : il leur permet d'atteindre la masse critique nécessaire de consommateurs et d'accéder aux input (ou intrants) nécessaires, y compris les capitaux, ou du moins, il devrait. À cet égard, il est intéressant de se pencher sur ce qui constitue l'infrastructure du marché intérieur pour les entreprises, le fondement qui permet le développement de toutes les autres politiques, à savoir le droit des sociétés.
Un cadre juridique simple est essentiel pour permettre aux PME de saisir les opportunités qu'est censé leur apporter le marché intérieur ; il contribue, par ailleurs, à améliorer la sécurité juridique et à réduire les frais administratifs. Dans le cadre de la consultation sur la société privée européenne réalisée en 2007, la Commission a interrogé un panel d'entreprises européennes qui a révélé que 56% des entreprises sondées estimaient qu'il serait utile que les règles relatives aux sociétés soient uniformes dans l'Union européenne. L'harmonisation est indispensable pour faciliter l'accès au marché intérieur, sa compréhension par les entreprises, indépendamment de leur taille et pour uniformiser le champ d'action.
Les entreprises doivent actuellement faire face à une crise sans précédent qui touche la finance, l'économie et la politique. L'attention a été essentiellement portée sur l'industrie bancaire et les autres acteurs des marchés de capitaux. Dans ce contexte, il convient de garder à l'esprit que les PME jouent un rôle essentiel pour la résistance de notre économie et pour le dynamisme du marché de l'emploi. De nombreuses PME font partie de la chaîne d'approvisionnement de plus grandes entreprises dont elles constituent un maillon fondamental et à qui elles offrent flexibilité, innovation et rentabilité. Toutefois, en cas de baisse de la demande ou de resserrement du crédit, les PME sont souvent touchées plus rapidement et plus durement. Il est urgent de les aider à réaliser des gains d'efficacité ou à garantir leurs liquidités ou leur accès à des financements. Pour cela, elles peuvent compter sur la transparence et la fiabilité du contrôle de gestion.
La transparence constitue un élément essentiel pour les gestionnaires et les investisseurs, les régulateurs et les superviseurs ; c'est aussi une condition préalable pour les parties intéressées et pour le contrôle démocratique. On observe une amélioration de la transparence dans les entreprises et de nombreux progrès ont été réalisés au cours des dernières années. En outre, grâce aux progrès technologiques, les coûts de la transparence diminuent. Cependant, le degré insuffisant de transparence a souvent été considéré comme l'une des principales causes de la crise. En raison de l'importance des PME, les informations les concernant sont également devenues cruciales pour la gouvernabilité de l'économie [2].
L'harmonisation du contrôle de gestion contribue à réduire les coûts administratifs pour les PME produisant les informations (et utilisant également les mêmes informations sur leurs partenaires commerciaux), pour les experts comptables vérifiant les informations, pour les créanciers et les administrations publiques prenant leurs décisions en fonction de ces informations. L'harmonisation des informations facilite leur compréhension et leur interprétation. La sécurité juridique est améliorée, les coûts de formation et les taux d'erreur sont réduits, tout comme les coûts de mise en conformité et de mise en œuvre.
Sur cette base, il faut saluer la demande du Parlement européen en faveur d'un cadre de comptabilité harmonisé, cohérent et global pour l'Europe ainsi que l'engagement récent de la Commission européenne à présenter des propositions pertinentes en octobre 2009.
Toutefois, les responsables politiques et les régulateurs, qui restent essentiellement locaux, pourraient peiner à s'engager dans le développement d'un tel cadre harmonisé et être tentés de chercher des solutions nationales, ce qui serait une erreur dans un monde où les marchés, les investisseurs et les entreprises (et de plus en plus, quelle que soit leur taille) sont, ou pensent, à l'échelle européenne ou mondiale.
La crise actuelle nous montre qu'il est temps que les États membres surmontent leurs différences contre-productives ou leurs divergences de perception et qu'ils acceptent d'offrir aux PME un véritable marché intérieur, efficace.
Le 26 novembre 2008, la Commission européenne a publié sa communication sur le plan de relance européen [3]. Cette initiative, saluée, propose une série de mesures utiles ; elle vise aussi à restaurer la force d'impulsion pour un certain nombre de propositions en cours ainsi qu'à lancer de nouvelles idées qui devront être approfondies. Toutefois, il est surprenant de constater que cette communication ne fait que rarement référence au marché intérieur, comme si des marchés concurrentiels ouverts, des politiques coordonnées et des cadres juridiques harmonisés et rationnalisés n'étaient d'aucune utilité.
Ce plan rappelle "les économies d'échelle liées à l'euro et au marché unique le plus important du monde" et appelle à l'accélération de la création du statut de société privée européenne, arguant du fait que les PME doivent pouvoir être soumises "à un ensemble unique de règles applicables aux sociétés dans toute l'Union". Toutefois, il est regrettable que ce plan ne prenne pas davantage en compte les expériences pratiques car cela aurait permis d'éviter une contradiction frontale avec une autre proposition faite par le même plan, visant à "dispenser les micro-entreprises de l'obligation d'établir des comptes annuels et à limiter les exigences de capital de l'entreprise privée européenne à un euro". Ce qui peut sembler utile d'un côté peut être à double tranchant, car aucune entreprise ne peut fonctionner de manière durable et efficace sans 3 éléments essentiels : (i) un marché efficace (la bonne idée), (ii) des capitaux suffisants et (iii) de bonnes compétences en matière de gestion et de comptabilité.
En pratique, il ne s'agit pas tant de plus ou moins légiférer, mais de mieux légiférer. Il conviendrait de ne développer de nouvelles règlementations ou de les réviser que lorsqu'il est évident que les bénéfices qu'elles apportent à la société dans son ensemble sont supérieurs à leurs coûts. L'expérience montre que légiférer en urgence, sous la pression politique, sans consultation des parties intéressées ni aucune évaluation conduit souvent à des conséquences non désirées.
Il conviendrait également de rappeler que la crédibilité de la Commission européenne tient pour beaucoup à son objectivité et à son expertise lorsqu'elle traite ce type de questions. La Commission élabore la législation et, à ce titre, est devenue une référence mondiale en matière d'analyse d'impact. Cet élément clé de sa stratégie d'amélioration de la réglementation contribue à faire reposer les propositions sur des fondements objectifs et sur une évaluation factuelle solide, et non simplement sur des motivations relevant uniquement de la politique ou de la communication. Toutefois, le terme "analyse d'impact" n'est pas mentionné une seule fois dans le plan de relance.
Actuellement, non seulement le marché intérieur n'est pas entièrement opérationnel, mais il semble qu'il soit aussi victime d'un manque d'engagement politique. On observe dans certains États membres des tentations croissantes de protectionnisme et les institutions européennes, originellement créées pour y faire face et imposer l'État de droit, semblent avoir du mal à jouer leur rôle. Plus que jamais, l'Europe a besoin d'un gardien de son système juridique ; c'est le rôle attribué par le traité de Rome à la Commission européenne, mais la transformer en arène politique n'aiderait pas.
Ce qui vaut pour les entreprises peut aussi valoir pour les régulateurs. La crise financière plaide en faveur d'une meilleure coordination et démontre la nécessité d'une approche européenne. Comme les entreprises et les investisseurs, les régulateurs et les superviseurs sont également confrontés à des charges supplémentaires, à des incertitudes et à des pièges liés aux incohérences, conflits et points faibles des législations. Le débat politique actuel sur la supervision et la coordination européenne est un signe encourageant : il montre que les États membres prennent conscience de la nécessité de traiter cette question.
Dans un monde globalisé, les responsables politiques augmentent la concurrence pour rendre leurs territoires attractifs, mais parallèlement, la mondialisation renforce leur intérêt commun et les force à coopérer. Le point de départ d'une telle coordination mondiale est toutefois local. Une Europe désunie, non coordonnée, fragmentée, ralentie et vieillissante ne sera pas entendue sur la scène internationale. Il est plus nécessaire que jamais de parler d'une seule voix et d'avoir un marché commun.
Toutefois, la coordination et le rapprochement des législations ne résoudront pas la question. La crise nous montre aussi qu'en fin de compte, il s'agit souvent d'une question de personnes. Derrière nombre de causes de la crise, certains décèlent une racine commune, liée à des comportements individuels, que ce soit dans la salle des marchés, au sein des conseils d'administration ou des organismes de régulation. La manière dont certains instruments financiers ont été détournés de leurs objectifs initiaux à des fins de court terme purement spéculatives en est un exemple d'actualité. C'est à la société dans son ensemble de réfléchir sur les moyens de restaurer et d'améliorer les normes éthiques, notamment au sein du monde des affaires. Dans son domaine d'activité, la profession comptable est liée par un code d'éthique mondial ; elle continuera à promouvoir auprès de ses membres intégrité, objectivité, indépendance, professionnalisme, compétence et prudence.
Traduit de l'anglais par Mathilde Durand.
* Les opinions exprimées dans cet article sont celles ces auteurs.
** La FEE représente 43 instituts professionnels d'experts-comptables et de commissaires aux comptes de 32 pays européens, dont les 27 États membres de l'Union européenne. La FEE représente plus de 500 000 experts-comptables travaillant dans divers domaines (profession libérale, entreprises, gouvernements et éducation). Ils contribuent au développement d'une économie européenne plus efficace, plus transparente et plus durable. Pour en savoir plus sur la FEE, consulter le site www.fee.be
[1] Document de travail de la Commission, Le marché intérieur – Dix ans sans frontières, http://ec.europa.eu/internal_market/10years/docs/workingdoc/...
[2] Voir l'avis du Comité européen des centrales de bilans (ECCBSO) sur la communication de la Commission relative à la simplification de l'environnement des sociétés en matière juridique, comptable et de contrôle des comptes (COM 2007 394 final)
[3] Commission européenne, "Un plan européen pour la relance économique", COM (2008) 800, http://ec.europa.eu/commission_barroso/president/pdf/Comm_20...
Jacques Potdevin : Président de la Fédération des Experts comptables Européens (FEE - Federation of European Accountants) de 2007 à 2008.
Olivier Boutellis-Taft : Directeur exécutif de la FEE.
Le marché intérieur a fait l'objet d'une forte attention politique, d'efforts de la part du législateur et de commentaires de toutes sortes. Le dixième anniversaire du marché intérieur en 2002 avait été l'occasion de souligner les avantages de cet extraordinaire programme de réformes : choix plus vaste, meilleure qualité, prix plus avantageux, 1 million d'échanges d'étudiants grâce au programme Erasmus. Si l'on s'intéresse aux aspects économiques, on estime que le marché intérieur a permis d'augmenter le PIB de 1,8%, de créer 2,5 millions d'emplois et d'améliorer la prospérité de chaque ménage de 5 700 € en moyenne [1].
Outre ces chiffres, le marché intérieur constitue une incroyable réalisation politique, reconnue dans le monde entier, dont le succès est l'aboutissement de l'un des plus vastes et des plus ambitieux programmes de réformes structurelles.
La mission est-elle achevée ? Non, il serait faux de croire que le marché intérieur est terminé. Les experts-comptables qui travaillent avec des entreprises de toute taille savent par expérience qu'en pratique, il reste de nombreux obstacles et qu'il est essentiel de poursuivre l'harmonisation et la simplification pour permettre aux entreprises de saisir les opportunités offertes par le marché intérieur. Cela vaut notamment pour les PME, qui constituent la grande majorité des entreprises de l'Union européenne, à savoir plus de 90%.
Le marché intérieur constitue également le meilleur atout des PME pour être compétitives sur les marchés mondiaux : il leur permet d'atteindre la masse critique nécessaire de consommateurs et d'accéder aux input (ou intrants) nécessaires, y compris les capitaux, ou du moins, il devrait. À cet égard, il est intéressant de se pencher sur ce qui constitue l'infrastructure du marché intérieur pour les entreprises, le fondement qui permet le développement de toutes les autres politiques, à savoir le droit des sociétés.
Un cadre juridique simple est essentiel pour permettre aux PME de saisir les opportunités qu'est censé leur apporter le marché intérieur ; il contribue, par ailleurs, à améliorer la sécurité juridique et à réduire les frais administratifs. Dans le cadre de la consultation sur la société privée européenne réalisée en 2007, la Commission a interrogé un panel d'entreprises européennes qui a révélé que 56% des entreprises sondées estimaient qu'il serait utile que les règles relatives aux sociétés soient uniformes dans l'Union européenne. L'harmonisation est indispensable pour faciliter l'accès au marché intérieur, sa compréhension par les entreprises, indépendamment de leur taille et pour uniformiser le champ d'action.
Les entreprises doivent actuellement faire face à une crise sans précédent qui touche la finance, l'économie et la politique. L'attention a été essentiellement portée sur l'industrie bancaire et les autres acteurs des marchés de capitaux. Dans ce contexte, il convient de garder à l'esprit que les PME jouent un rôle essentiel pour la résistance de notre économie et pour le dynamisme du marché de l'emploi. De nombreuses PME font partie de la chaîne d'approvisionnement de plus grandes entreprises dont elles constituent un maillon fondamental et à qui elles offrent flexibilité, innovation et rentabilité. Toutefois, en cas de baisse de la demande ou de resserrement du crédit, les PME sont souvent touchées plus rapidement et plus durement. Il est urgent de les aider à réaliser des gains d'efficacité ou à garantir leurs liquidités ou leur accès à des financements. Pour cela, elles peuvent compter sur la transparence et la fiabilité du contrôle de gestion.
La transparence constitue un élément essentiel pour les gestionnaires et les investisseurs, les régulateurs et les superviseurs ; c'est aussi une condition préalable pour les parties intéressées et pour le contrôle démocratique. On observe une amélioration de la transparence dans les entreprises et de nombreux progrès ont été réalisés au cours des dernières années. En outre, grâce aux progrès technologiques, les coûts de la transparence diminuent. Cependant, le degré insuffisant de transparence a souvent été considéré comme l'une des principales causes de la crise. En raison de l'importance des PME, les informations les concernant sont également devenues cruciales pour la gouvernabilité de l'économie [2].
L'harmonisation du contrôle de gestion contribue à réduire les coûts administratifs pour les PME produisant les informations (et utilisant également les mêmes informations sur leurs partenaires commerciaux), pour les experts comptables vérifiant les informations, pour les créanciers et les administrations publiques prenant leurs décisions en fonction de ces informations. L'harmonisation des informations facilite leur compréhension et leur interprétation. La sécurité juridique est améliorée, les coûts de formation et les taux d'erreur sont réduits, tout comme les coûts de mise en conformité et de mise en œuvre.
Sur cette base, il faut saluer la demande du Parlement européen en faveur d'un cadre de comptabilité harmonisé, cohérent et global pour l'Europe ainsi que l'engagement récent de la Commission européenne à présenter des propositions pertinentes en octobre 2009.
Toutefois, les responsables politiques et les régulateurs, qui restent essentiellement locaux, pourraient peiner à s'engager dans le développement d'un tel cadre harmonisé et être tentés de chercher des solutions nationales, ce qui serait une erreur dans un monde où les marchés, les investisseurs et les entreprises (et de plus en plus, quelle que soit leur taille) sont, ou pensent, à l'échelle européenne ou mondiale.
La crise actuelle nous montre qu'il est temps que les États membres surmontent leurs différences contre-productives ou leurs divergences de perception et qu'ils acceptent d'offrir aux PME un véritable marché intérieur, efficace.
Le 26 novembre 2008, la Commission européenne a publié sa communication sur le plan de relance européen [3]. Cette initiative, saluée, propose une série de mesures utiles ; elle vise aussi à restaurer la force d'impulsion pour un certain nombre de propositions en cours ainsi qu'à lancer de nouvelles idées qui devront être approfondies. Toutefois, il est surprenant de constater que cette communication ne fait que rarement référence au marché intérieur, comme si des marchés concurrentiels ouverts, des politiques coordonnées et des cadres juridiques harmonisés et rationnalisés n'étaient d'aucune utilité.
Ce plan rappelle "les économies d'échelle liées à l'euro et au marché unique le plus important du monde" et appelle à l'accélération de la création du statut de société privée européenne, arguant du fait que les PME doivent pouvoir être soumises "à un ensemble unique de règles applicables aux sociétés dans toute l'Union". Toutefois, il est regrettable que ce plan ne prenne pas davantage en compte les expériences pratiques car cela aurait permis d'éviter une contradiction frontale avec une autre proposition faite par le même plan, visant à "dispenser les micro-entreprises de l'obligation d'établir des comptes annuels et à limiter les exigences de capital de l'entreprise privée européenne à un euro". Ce qui peut sembler utile d'un côté peut être à double tranchant, car aucune entreprise ne peut fonctionner de manière durable et efficace sans 3 éléments essentiels : (i) un marché efficace (la bonne idée), (ii) des capitaux suffisants et (iii) de bonnes compétences en matière de gestion et de comptabilité.
En pratique, il ne s'agit pas tant de plus ou moins légiférer, mais de mieux légiférer. Il conviendrait de ne développer de nouvelles règlementations ou de les réviser que lorsqu'il est évident que les bénéfices qu'elles apportent à la société dans son ensemble sont supérieurs à leurs coûts. L'expérience montre que légiférer en urgence, sous la pression politique, sans consultation des parties intéressées ni aucune évaluation conduit souvent à des conséquences non désirées.
Il conviendrait également de rappeler que la crédibilité de la Commission européenne tient pour beaucoup à son objectivité et à son expertise lorsqu'elle traite ce type de questions. La Commission élabore la législation et, à ce titre, est devenue une référence mondiale en matière d'analyse d'impact. Cet élément clé de sa stratégie d'amélioration de la réglementation contribue à faire reposer les propositions sur des fondements objectifs et sur une évaluation factuelle solide, et non simplement sur des motivations relevant uniquement de la politique ou de la communication. Toutefois, le terme "analyse d'impact" n'est pas mentionné une seule fois dans le plan de relance.
Actuellement, non seulement le marché intérieur n'est pas entièrement opérationnel, mais il semble qu'il soit aussi victime d'un manque d'engagement politique. On observe dans certains États membres des tentations croissantes de protectionnisme et les institutions européennes, originellement créées pour y faire face et imposer l'État de droit, semblent avoir du mal à jouer leur rôle. Plus que jamais, l'Europe a besoin d'un gardien de son système juridique ; c'est le rôle attribué par le traité de Rome à la Commission européenne, mais la transformer en arène politique n'aiderait pas.
Ce qui vaut pour les entreprises peut aussi valoir pour les régulateurs. La crise financière plaide en faveur d'une meilleure coordination et démontre la nécessité d'une approche européenne. Comme les entreprises et les investisseurs, les régulateurs et les superviseurs sont également confrontés à des charges supplémentaires, à des incertitudes et à des pièges liés aux incohérences, conflits et points faibles des législations. Le débat politique actuel sur la supervision et la coordination européenne est un signe encourageant : il montre que les États membres prennent conscience de la nécessité de traiter cette question.
Dans un monde globalisé, les responsables politiques augmentent la concurrence pour rendre leurs territoires attractifs, mais parallèlement, la mondialisation renforce leur intérêt commun et les force à coopérer. Le point de départ d'une telle coordination mondiale est toutefois local. Une Europe désunie, non coordonnée, fragmentée, ralentie et vieillissante ne sera pas entendue sur la scène internationale. Il est plus nécessaire que jamais de parler d'une seule voix et d'avoir un marché commun.
Toutefois, la coordination et le rapprochement des législations ne résoudront pas la question. La crise nous montre aussi qu'en fin de compte, il s'agit souvent d'une question de personnes. Derrière nombre de causes de la crise, certains décèlent une racine commune, liée à des comportements individuels, que ce soit dans la salle des marchés, au sein des conseils d'administration ou des organismes de régulation. La manière dont certains instruments financiers ont été détournés de leurs objectifs initiaux à des fins de court terme purement spéculatives en est un exemple d'actualité. C'est à la société dans son ensemble de réfléchir sur les moyens de restaurer et d'améliorer les normes éthiques, notamment au sein du monde des affaires. Dans son domaine d'activité, la profession comptable est liée par un code d'éthique mondial ; elle continuera à promouvoir auprès de ses membres intégrité, objectivité, indépendance, professionnalisme, compétence et prudence.
Traduit de l'anglais par Mathilde Durand.
* Les opinions exprimées dans cet article sont celles ces auteurs.
** La FEE représente 43 instituts professionnels d'experts-comptables et de commissaires aux comptes de 32 pays européens, dont les 27 États membres de l'Union européenne. La FEE représente plus de 500 000 experts-comptables travaillant dans divers domaines (profession libérale, entreprises, gouvernements et éducation). Ils contribuent au développement d'une économie européenne plus efficace, plus transparente et plus durable. Pour en savoir plus sur la FEE, consulter le site www.fee.be
[1] Document de travail de la Commission, Le marché intérieur – Dix ans sans frontières, http://ec.europa.eu/internal_market/10years/docs/workingdoc/...
[2] Voir l'avis du Comité européen des centrales de bilans (ECCBSO) sur la communication de la Commission relative à la simplification de l'environnement des sociétés en matière juridique, comptable et de contrôle des comptes (COM 2007 394 final)
[3] Commission européenne, "Un plan européen pour la relance économique", COM (2008) 800, http://ec.europa.eu/commission_barroso/president/pdf/Comm_20...
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